L’écrivain de Sciences Fiction canadien Nalo Hopkinson a écrit ceci: Etre une personne de couleur qui écrit de la science fiction, c’est être soupçonné d’avoir intériorisé sa colonisation.
Bien entendu, le problème n’est pas la fiction, mais la science ; la conviction que le scientisme saturant nos technologies actuelles saurait créer de nouveaux mondes oniriques autres que les frontières coloniales qu’il a déjà créées. Le premier défi de toute science-fiction n’est-il pas d’abord la connaissance de l’histoire coloniale? La technologie peut-elle être détachée de son rôle dans la justification scientifique de la domination européenne mondiale?
Après tout, les systèmes cosmologiques ne sont pas toujours scientifiques tout comme les systèmes scientifiques ne sont pas seulement impériaux. Les systèmes cybernétiques peuvent être tout à fait différents: si la fiction narrative était auparavant trop douce ou consensuelle pour être une arme politique coercitive ou un outil militaire punitif, nous trouvons maintenant des puissances économiques cybernétiques et mondiales qui utilisent l’optique et les sentiments pour forger des loyautés imaginaires. Que cela soit par le biais de la littérature ou du cinéma, du télégraphe ou du chemin de fer, l’extension territoriale militaires et corporatistes a toujours eu recours aux transports et aux communications pour étendre sa portée. Ce n’est donc pas un hasard si les récits coloniaux et de science-fiction partagent le même fantasme de communication et de relation à travers une plate-forme singulière.
Aujourd’hui, cependant, un certain nombre de puissances économiques et technologiques en émergence sont des nations qui se définissent comme ayant pâti de l’expansion coloniale. Dans la période moderne, il est peut-être sans précédent de contrôler une telle technologie tout en ayant subi de lourdes pertes de la part des puissances occidentales technologiquement avancées. On pourrait peut-être en dire autant des populations des mêmes puissances impériales, qui se sentent exploitées par leurs propres régimes. Cela soulève la question suivante: que peut l’imaginaire scientifique et que peut-il devenir au lendemain de ces pertes? Dans ces circonstances, quels types d’avenir ou même de futurisme deviennent soudainement imaginables, ou même peuvent être rappelés? Peut-être pour la première fois depuis longtemps?