La Colonie organise, du 28 novembre au 2 décembre 2017, une semaine dédiée à la scène musicale expérimentale de Beyrouth et au cinéma contemporain libanais. Née au début des années 2000 et réunissant musiciens, artistes, illustrateurs et graphistes, la scène expérimentale libanaise est une contribution importante au développement d’un monde musical globalisé et décentré. BEIRUT NOISE est le premier événement consacré en France à cette scène majeure venue du monde arabe.
Au programme : concerts, DJ sets, expositions, conférences, ainsi qu’une programmation cinéma qui déploie depuis l’image les sonorités multiples de Beyrouth.
BEIRUT NOISE est un projet pensé par David Ruffel et Mazen Kerbaj, à l’invitation de Kader Attia, en partenariat avec le festival Masnaâ (Casablanca).
BEIRUT NOISE est le premier événement en France consacré à la scène musicale expérimentale libanaise. Si ses acteurs se produisent régulièrement en Europe et dans le monde (concerts, expositions, etc.), ils sont moins connus en France que les groupes libanais invités dans les grandes institutions ou que les principaux artistes identifiés par les circuits de l’art contemporain. Doublement alternative, du côté de la musique par sa dimension expérimentale et du côté des arts visuels par ses modes d’expression (illustration, graphisme, bande dessinée), l’influence et l’importance de cette scène au Liban, dans le monde arabe et au-delà sont pourtant grandes. BEIRUT NOISE porte un éclairage unique en France sur cette scène à travers une exposition et un programme de concerts et de conférences.
Une plateforme transnationale au Moyen Orient
Née au début des années 2000 et réunissant musiciens, artistes, graphistes et illustrateurs autour du festival Irtijal et des labels Al Maslakh et Annihaya, cette scène participe du développement d’un monde musical globalisé, aux géographies et aux modernités multiples, émancipé du seul modèle euro-américain. En 17 ans, elle a « inventé » la musique expérimentale dans le monde arabe, invité et enregistré des musiciens du monde entier, tout en se produisant un peu partout sur la planète.
Désorientaliser la musique
Au début des années 2000, les musiciens qui fondent le festival Irtijal – Sharif Sehnaoui, Mazen Kerbaj et Raed Yassin – partent d’une critique de la musique libanaise populaire, pâle copie arabisante de canons pop, rap, rock et techno occidentaux. Ils rompent alors avec ces formes commerciales orientalistes ainsi qu’avec différentes traditions musicales arabes, pour s’aventurer vers des formes artistiques expérimentales, qui partent du free jazz et de la musique improvisée, pour aller vers le krautrock, le punk, le shaabi, l’électro, etc.
De la musique en temps de guerre
La scène musicale expérimentale libanaise est consubstantiellement liée à la guerre. Ses protagonistes sont nés et ont grandi pendant la guerre civile, ont vécu la guerre de 2006 et les différentes occupations israéliennes. Leur réaction à la vacuité de la musique populaire libanaise au début des années 2000 s’inscrit dans un contexte plus large qui voit une génération d’artistes s’opposer à la logique amnésique qui suit les années de guerre civile. La posture radicale de cette scène renoue ainsi avec l’histoire et les expérimentations artistiques et politiques des années 1960. Le détournement et l’échantillonnage de la musique populaire arabe pratiquée par exemple par Raed Yassin et le label Annihaya témoignent d’une démarche mémorielle active. La guerre constitue par ailleurs la matière de nombreuses pièces sonores et musicales, comme dans les collages des Civil War Tapes de Raed Yassin qui mixent discours politiques, musiques de propagande et pop des années 1980 ou encore dans Starry Night de Mazen Kerbaj, pièce sonore superposant improvisation à la trompette et bruits des bombes israéliennes lors de la guerre de 2006, prolongée dans l’installation sonore Before the war, it was the war.
Graphisme, illustration, dadaïsme et bande dessinée
La marque de fabrique de cette scène musicale se trouve dans l’importance accordée à l’image et à l’iconographie et plusieurs de ses protagonistes sont aussi des artistes visuels. Que ce soit pour le festival Irtijal, dont les affiches sont réalisées par Mazen Kerbaj et désignées par le studio Safar, ou pour les pochettes des labels Al Maslakh et Annihaya illustrées par différents artistes, une attention spécifique est donnée à l’image dans une logique avant-gardiste et underground affirmée, mais aussi provocatrice, dadaïste et iconoclaste, un esprit également perceptible dans les noms choisis pour les labels et les groupes (le label Al Maslakh / « L’abattoir » en français, qui se donne pour objet de « publier l’impubliable », le groupe Johnny Kafta, le duo Drunken masters composé des artistes Hatem Iman et Mazen Kerbaj, etc.).
BEIRUT NOISE s’inscrit dans le projet de La Colonie de promouvoir un monde décolonisé et décentré. Il cherche aussi à contribuer à sortir le regard français d’une vision réductrice de la création contemporaine arabe. Il est conçu en partenariat avec le festival Masnaâ qui a consacré en mai 2017 à Casablanca un premier focus sur la scène musicale expérimentale libanaise.
PROGRAMMATION CINÉMA
Programmation : Marie-Nour Hechaime & Alix Hugonnier.
Beyrouth : Présence Absence des Sons et des Images
Où commence et où s’arrête la ville ? Beyrouth est dans le cinéma libanais, un objet qui fascine et obsède. Tentative de (ré)-appropriation après des années de guerre civile? Tantôt sujet principal voire sujet unique des œuvres, Beyrouth est une ville cacophonique où la mélodie perce en permanence. Le rythme des lieux y imprime presque tout : architecture, musique et politique. Beirut laisse aussi entrevoir un certain spleen libanais où drames intérieurs et faits divers (fictionnalisés ou pas) s’entremêlent pour parfois – souvent – ne faire qu’un. Faite d’absences et de souvenirs, ses routes et tunnels décorent des voix off, parfois fantomatiques où le temps devient suspendu.
« Beyrouth : Présence Absence des Sons et des Images » propose trois soirées de vidéo et cinéma pour une plongée visuelle et sonore dans la ville de Beyrouth avec trois générations d'artistes, ici présentées côte-à-côte.