Fordlândia est une ville construite à partir de 1928 par Henry Ford en Amazonie sur la rive du Tapajòs, afin d'exploiter intensivement l'hévéa et le caoutchouc qu'il produit, nécessaire à la fabrication des pneumatiques. Le projet a échoué et Fordlândia est aujourd’hui un petit village, au milieu d’un patrimoine industriel au statut incertain. En août 2018, Suspended spaces a organisé une résidence flottante jusqu’à Fordlândia avec vingt artistes et chercheurs internationaux, en collaboration avec Fotoativa, collectif brésilien de Belém.
Retour de Fordlândia est une exposition qui présente un ensemble d’œuvres, actions, gestes, réalisés à l'occasion ou au retour de la résidence. Fordlândia, une archive à ciel ouvert est le titre du colloque qui se tiendra une semaine durant, sous la forme de tables rondes quotidiennes pour discuter et comprendre ce que Fordlândia veut dire, aujourd’hui.
Fordlândia est une ville construite par Henry Ford au bord du Rio Tapajós à partir de 1928. Bâtie pour cultiver de manière intensive le caoutchouc nécessaire à l’équipement des pneus des véhicules fabriqués dans les usines Ford de Détroit, elle était aussi un projet de « civilisation », qui regroupait usines, habitats, hôpital, écoles, construits sur un modèle américain. Mais ce fût une succession d’échecs et d’erreurs ; l’eau, la terre, les parasites, les révoltes ont eu raison du fantasme fordien.
Fordlândia est aujourd’hui un paysage et une archive à la fois, qui ouvre des réflexions qui se préciseront au fur et à mesure des journées du colloque : le site interroge la rencontre du projet moderne de l’industriel américain, occidental, rationnel, colonial, et un territoire amazonien qui, hier comme aujourd’hui, porte et supporte des projections multiples, économiques et environnementales, anthropologiques et artistiques, touristiques et scientifiques. Penser ce rapport entre archives, mémoire et paysage, au retour d’une résidence à Fordlândia, avec des chercheurs et artistes brésiliens et internationaux, ouvre des pistes de travail et de réflexions qui s’inscrivent au croisement de l’art et des sciences humaines. L’exposition Retour de Fordlândia est une étape parisienne d’un projet qui commence en Amazonie, se poursuivra au centre d’art la Tôlerie, à Clermont-Ferrand (à partir du 23 novembre 2018), et se conclura par une exposition à Belém (Brésil) et un livre franco-portugais, en 2019.
Le colloque organisé à Paris s’inscrit dans un projet international, qui engage la France et le Brésil mais aussi des artistes et chercheurs de différents pays d’Europe (Allemagne, Belgique, Canada, Portugal, Liban). L’expérience à l’origine de l’ensemble du projet est une résidence embarquée sur un bateau voguant de Santarém à Fordlândia, sur le rio Tapajós, en Amazonie. Ce moment partagé, avec 20 artistes et chercheurs de cultures, de nationalités, d’âges différents, déploiera ses enjeux et ses résultats à l’occasion de l’événement organisé à La Colonie. Ce sera la première fois que le groupe se réunira à nouveau après cette expérience commune.
Chacun aura pris du recul, poursuivi des pistes de travail, terminé des projets, et la confrontation de ces recherches sera non seulement matérialisée dans l’exposition, mais sera aussi partagée publiquement à l’occasion des prises de parole et tables rondes. Il s’agira de donner à voir et à entendre une recherche collective dans son aspect le plus vivant, en direct. Les prises de parole des artistes seront enrichies, nourries et discutées à partir des communications de philosophes, anthropologues, historiens, architectes : il ne s’agira pas de prétendre produire une recherche exhaustive, mais de multiplier des visions, les interprétations, les réactions au lieu et à ce qui se dégage de lui et de ses habitants, provoquant des émotions et des éléments de compréhension.
Fordlândia est un suspended space dans lequel sont déposées des histoires inachevées ou interrompues, parfois violement, espaces préoccupés par des récits à venir, des récits échoués. Friche industrielle et réserve d’imaginaire, Fordlândia sera mise à l’épreuve des définitions de l’espace et envisagé à travers les multiples histoires des représentations de l’Amazonie, de Werner Herzog au cinéma brésilien, des récits d’aventures au fantasme jusqu’au fantasme d’une forêt primaire développé autant dans les sciences ou l’économie que dans la fiction. La dimension historique des lieux sera envisagée, en particulier l’inscription de cette ville dans un projet colonial américain plus global, mais aussi par l’observation des multiples temporalités que concentre Fordlândia. La blessure Fordlândia raisonne avec la violence subie par la forêt, qui invite à une sollicitude qui questionne l’éthique du care et l’écoféminisme. Comment s’affranchir du poids et de la charge de l’histoire sans cependant l’oublier? Que signifie Fordlândia aujourd’hui, dans un Brésil en état de crise politique et économique, sur une planète à l’équilibre écologique vacillant ? Quel sens peut avoir une approche artistique d’un tel lieu, d’un tel territoire, d’une telle histoire, dans un tel moment ?
Une Proposition du Collectif Suspended spaces, avec l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (Institut ACTE), en collaboration avec l'Université de Picardie Jules Verne (CRAE).
◼︎ Tables rondes : Fordlândia, une archive à ciel ouvert
Cinq journées durant, des spécialistes de leur discipline viendront échanger publiquement sur des questions qui croisent l’écologie, la philosophie, l’anthropologie, l’histoire et l’art. La parole des artistes mais aussi les œuvres (expositions, performances, projections) seront mêlées aux réflexions des chercheurs, sans jouer le rôle d’illustration mais bien comme des éléments sensibles de la réflexion.
Artistes et exposants : Alessia de Biase, Marcel Dinahet, Debora Flor, Maïder Fortuné, Véronique Isabelle, Valérie Jouve, Jan Kopp, Bertrand Lamarche, Daniel Lê, André Parente, Françoise Parfait, RaioVerde (Camila Fialho et José Viana), Mireille Pic, Alexandre Sequeira, Susana de Sousa Dias, Stéphane Thidet, Camille Varenne.