Discreet Violence : L’architecture et la guerre française en Algérie est une exposition mise en place par la chercheuse Samia Henni. Présentée à Zurich, Rotterdam, Berlin, et Johannesburg, elle n’avait jamais été montrée en France jusqu’alors.
La Colonie, de par sa place particulière dans le paysage culturel français et par son attention aux questions post-coloniales et de décolonisation, se devait de présenter Discreet Violence.
A cette occasion, elle porte le projet d’un ensemble de rencontres et de conférences autour de la militarisation et des espaces et des corps.
L’exposition Discreet Violence sera présente à La Colonie dès le 19 juin et sera doublée de réflexions sur la question de l’état d’urgence aujourd’hui en France, sur la continuité des pratiques architecturales militaires de l’armée française et sur la question des déplacements identitaires et mémoriels (19 juin) mais aussi sur les spoliations induites par l’existence des camps de regroupement (4 juillet).
L'exposition
Pendant la Révolution algérienne (1954-1962) ou la guerre d'Algérie, les autorités civiles et militaires françaises ont profondément réorganisé le territoire urbain et rural de l'Algérie, transformé radicalement son environnement bâti, implanté rapidement de nouvelles infrastructures et construit stratégiquement de nouvelles implantations afin de protéger les intérêts économiques de la France en Algérie et de maintenir l'Algérie sous la domination coloniale française en place depuis 1830.
L'exposition Discreet Violence ne présente qu'un seul aspect de ces transformations territoriales: la construction de camps sous contrôle militaire baptisés par euphémisme « centres de regroupement » dans les zones rurales algériennes. Ces espaces résultaient de la création des zones interdites de libre feu et ont engendré le déplacement forcé et massif de la population algérienne. Des unités militaires spéciales, appelées Sections administratives spécialisées, ont supervisé l'évacuation des zones interdites, le regroupement de la population algérienne, la construction de camps temporaires et permanents, la conversion de plusieurs camps permanents en villages et la surveillance au quotidien de la vie des civils algériens. Le but de ce regroupement était d'isoler la population algérienne de l'influence des combattants de la libération nationale et d'entraver les soutiens psychologiques et matériels potentiels.
Le nombre exact de camps qui ont été construits pendant la guerre, le nombre de personnes ayant été forcées de quitter leurs maisons, ainsi que le nombre de villages dévastés, sont encore contestés à ce jour. En 1960, il a été estimé qu’il y aurait eu, 2 157 000 personnes déplacées de force. Une autre évaluation de 1961 a estimé qu'au moins 2 350 000 personnes avaient été concentrées dans des campements contrôlés par les militaires et que 1 175 000 autres personnes avaient été forcées de quitter leurs maisons en raison d'opérations militaires constantes et violentes, ce qui signifie que plus de 3,5 millions de personnes avaient été forcées, déplacées. Une autre estimation du 15 février 1962, quelques semaines avant l'indépendance de l'Algérie, indiquait que 3 740 camps avaient été construits en Algérie française depuis le déclenchement de la Révolution algérienne en 1954.
Basé sur des photographies militaires françaises et des films produits par les équipes de propagande du Service cinématographique des armées (SCA) et d'autres sources publiques et privées, l'exposition «Discreet Violence: architecture et guerre française en Algérie» présente certains aspects de l'évacuation de la population rurale algérienne, les processus de construction des camps et les conditions de vie dans les camps. L’exposition décrit la manière dont le régime colonial français a tenté de détourner les objectifs militaires des camps à la suite d'un scandale médiatique en 1959. L'exposition dévoile les relations intrinsèques entre l'architecture, les mesures militaires, les politiques coloniales et la production et la distribution planifiées d'enregistrements visuels. Aujourd'hui, le SCA s'appelle établissement de communication et de production audiovisuelle de défense (ECPAD) et est toujours actif dans les zones de guerre où l'armée française est impliquée.
L'exposition est organisée par le Dr. Samia Henni et produite par La Colonie et les expositions gta, ETH Zurich.