Fragments de réparation / La Colonie nomade est un programme d'étude collectif réalisé dans le cadre du projet Fragments of Repair (17 avril - 1 août 2021), organisé par BAK, basis voor actuele kunst, Utrecht avec l'artiste Kader Attia et La Colonie, Paris et accueilli par La Dynamo de Banlieues Bleues, 9 Rue Gabrielle Josserand, 93500 Pantin.
Fragments de réparation /La Colonie nomade est un programme d'études collectif de trois mois conceptualisé et animé par la théoricienne politique, féministe et militante décoloniale Françoise Vergès.
La Colonie nomade se déroule dans le cadre d'un projet multiple intitulé Fragments of Repair (17 avril - 1er août 2021) et comprenant l’exposition Fragments de réparation/Kader Attia, se tenant à BAK et Fragments of Repair/Gatherings (une série de conférences, conversations et forums menée par BAK sur bakonline.org). Le projet est produit par BAK, basis voor actuele kunst à Utrecht avec l'artiste Kader Attia et La Colonie, Paris.
Le projet Fragments de réparation / La Colonie nomade fonctionne autour d'un groupe de travail qui proposera au fur et à mesure des semaines un regard sur ses recherches sous la forme d'une plateforme en ligne de recherche archivistique, L'Oasis, donnant à voir l'état des réflexions menées dans les ateliers. Les ateliers de La Colonie nomade in situ sont en raison des contraintes sanitaires fermés au public même si nous espérons des jours meilleurs !
Le lancement du projet global Fragments of repair, le 17 avril prochain, fait l'objet d'un colloque public en ligne en compagnie de Kader Attia, de la directrice générale et artistique de BAK Mária Hlavajová, de l'historien de l'art Sven Lütticken, de la curatrice de BAK Wietske Maas, de la philosophe Catherine Malabou, du philosophe et théoricien Achille Mbembe et et la théoricienne politique, féministe et militante décoloniale Françoise Vergès.
Dans Fragments de réparation, Kader Attia utilise la notion de "réparation décoloniale" comme tactique pour répondre aux urgences planétaires de santé mentale collective dans un monde durement affecté et blessé par la pandémie de Covid-19. La « blessure », le « trauma » et la « réparation » sont des concepts clés dans la pratique artistique de Kader Attia, pour qui les injustices matérielles et immatérielles de la violence coloniale persistent dans le présent. La crise actuelle met ces injustices en évidence et crée aussi de nouvelles souffrances, de nouvelles atteintes à la santé mentale et physique à travers l'incertitude chronique, l'isolement social, l'épuisement, la perte et la peur auxquelles les populations sont confrontées. Quelles voies imaginer pour "réparer" ? - voies qui ne soient pas un retour au passé mais un itinéraire façonné par les demandes de décolonisation et la nécessité de réapprendre à imaginer, à rêver ⎯ Que faire pour vivre dans et hors du pandémonium viral et psychologique ?
La Colonie nomade propose de revenir sur les récits qui s’élaborent sur le moment que nous vivons, en s'appuyant sur les stratégies décoloniales comme moyen de "survie joyeuse" et sur la pratique d'actes collectifs de "réparation", malgré la cruelle "économie d'épuisement" capitaliste.
L'épuisement - mental et corporel - est endémique au capitalisme, car ce dernier est fondé sur l'extractivisme qui produit un épuisement constant de toutes les formes et forces de la vie - humains et animaux, sol et sous-sol, océans et rivières, air et eau - pour le bien-être de quelques privilégiés. La pandémie de Covid-19 a amplifié l'épidémie endémique d'épuisement sous-jacente du capitalisme et son attaque sur le psychisme - soit, mais sans s'y limiter, l'anxiété, la dépression et les sentiments d'isolement - Pendant les quarantaines et les confinements, on a vu, d’une part, des personnes ayant le privilège de travailler dans le confort de leur domicile et qui ont géré leurs relations sociales et professionnelles grâce à leur accès à, et à leur maîtrise, des outils technologiques. D'autre part, le travail spectral de millions de personnes – en large mesure des femmes et des personnes racisées - qui maintiennent la ville propre, prennent soin des malades et des personnes âgées, et livrent la nourriture et des biens de consommation à celles et ceux qui peuvent s’isoler en toute sérénité. Cette équation déséquilibrée de ceux dépendant de personnes travaillant et vivant dans des conditions de plus en plus épuisantes fait partie de ce que Françoise Vergès a décrit comme « l'économie de l'épuisement ». Pour Françoise Vergès, l'économie de l'épuisement a « une longue histoire dans le monde moderne : elle a commencé avec l'esclavage colonial, qui exploitait l'énergie humaine jusqu'à la mort ; la révolution industrielle a adopté cette logique, épuisant les corps des travailleur•se•s blanc•he•s et des enfants jusqu'à ce qu'ils obtiennent finalement une réduction des heures de travail et un travail physique moins pénible grâce notamment à l'épuisement des corps racisés dans les colonies. Les pays libéraux et néolibéraux continuent de reposer, dans leur fonctionnement, sur l’épuisement des corps des migrants et des personnes racisées. »
Comment la « réparation » comme stratégie décoloniale peut-elle permettre des moments même brefs, de « survie joyeuse », par opposition à une simple survie épuisée ? Comment la pratique décoloniale en tant que « réparation » aide-t-elle à développer des outils collectifs d'émancipation et de résistance ? Comment la « réparation », d'un point de vue pragmatique dans notre vie, permettra t’elle d'échapper à la prétendue mise en puissance du sujet, dans l'économie néolibérale de l'épuisement ? Comment pouvons-nous réfléchir ensemble et mettre en œuvre une « réparation » dans le sillage d'une pandémie qui a été précipitée par ce qui est brisé (injustices sociales, désastres écologiques et économiques) ? Et, s’il faut imaginer ce qui relève de l'irréparable, comment conceptualiser une « réparation » imparfaite, inachevée mais toujours en cours, par opposition à la routine qui consisterait à réparer toutes sortes de blessures et à en cacher les cicatrices, ce qui est, comme l'a révélé Attia, profondément lié à la pensée moderne européenne ?
La Colonie nomade vise à aller au-delà d'un simple état des lieux du monde et cherche à imaginer et à mettre en œuvre des stratégies collectives et des gestes concrets de « réparation ». Elle vise également à interroger la place et le rôle de l'art dans une politique de la « réparation » dans le contexte néolibéral-capitaliste d'extraction et d'exploitation par les institutions (culturelles), d'inégalités, de racisme, de sexisme et de xénophobie irréductibles et de dévastation globale de la vie des personnes racisées et des pauvres. Conscient•e•s de la complicité des institutions culturelles dans cette situation, les organisat•eur•rice•s de La Colonie nomade cherchent à offrir un lieu sûr où la complicité et la complaisance sont débattues et combattues.
La Colonie nomade se déroule parallèlement à Fragments of Repair/Gatherings, une série de conférences, de conversations et de forums en ligne, qui fait partie de son programme d'études. Fragments of Repair/Gatherings intégre régulièrement des œuvres d'art de Fragments de réparation/Kader Attia au moyen de projections (en ligne) et de conversations, qui deviennent un point de départ pour l'étude collective et facilite la réflexion, la ré-imagination et la pratique de la « réparation » dans et par l'art.
La Colonie qui a du fermer du fait de la crise sanitaire développera cette existence nomade le temps de trouver un port d'attache fixe.
La Colonie is pleased to announce the birth of the hybrid project Fragments of repair, a multiple project organised by BAK, basis voor actuele kunst, Utrecht with Kader Attia and La Colonie , Paris and hosted by La Dynamo de Banlieues Bleues, 9 Rue Gabrielle Josserand, 93500 Pantin.
Fragments of Repair / La Colonie nomade is a three-month collective study program conceptualised and facilitated by political theorist, feminist and decolonial activist Françoise Vergès.
The research and reflections that arise from Fragments of Repair / La Colonie nomade collective study program are made available through an online archival platform, L'Oasis. This new website is launched when Fragments of Repair / La Colonie nomade commences on 17 April 2021.
The collective study program Fragments of Repair / La Colonie nomade is closed to the public due to sanitary constraints, although we hope for better days!
The launch of the global project Fragments of repairon April 17 is the subject of a public online colloquium with artist Kader Attia; BAK general and artistic director Maria Hlavajova; art historian and BAK senior research advisor Sven Lütticken; BAK curator Wietske Maas; philosopher Catherine Malabou; philosopher and political thinker Achille Mbembe; and political theorist, feminist, and decolonial activist Françoise Vergès.
This public event will take place on Zoom from 1 to 6PM, CET.
To register: Via Eventbrite, https://bit.ly/3rpbBtf
In Fragments of Repair, Attia proposes the notion of “decolonial repair” as a tactic to engage with planetary urgencies of collective mental health in a world wounded by the Covid-19 pandemic. “Injury,” “wound,” and “repair” have been key concepts across Attia’s artistic practice, especially in relation to the material and immaterial injustices of colonial violence that persist into the present. The current conditions bring these injustices into sharper relief, while adding additional injuries through chronic uncertainty, social isolation, exhaustion, loss, and fear. What pathways can “repair”not a return to past ways, but an itinerary shaped by demands for decolonization and the politics of restitution offer to life in and out of the viral and psychological pandemonium?
La Colonienomade expands on this narrative, drawing on decolonial strategies as a means for “joyful surviving” and the practice of collective acts of “repair” in spite of the cruel capitalist “economy of exhaustion.”
Exhaustion—mental and bodily depletion—is endemic to capitalism. Capitalism is premised on extractivism that produces a constant exhaustion of all forms and forces of living—humans and animals, soil and subsoil, oceans and rivers, air and water—for the well-being of a select few. The Covid-19 pandemic has magnified capitalism’s underlying health epidemic of exhaustion and the psychic debility—including but not limited to anxiety, depression, and feelings of isolation—that arises from it. During quarantines and lockdowns there are, on the one hand, people with relative privilege working from home who manage their social and work connections through Zoom. Yet on the other hand, there is a spectral labor of millions of people—many women, many people of color—who keep the city sanitized, care for the sick and the elderly, and deliver food and goods to those who can afford to stay inside. This lopsided equation of those dependent on people working and living in increasingly exhausting conditions is part of what Vergès has described as the “economy of exhaustion.” In Vergès’s words, the economy of exhaustion has “a long history in the modern world: it started with colonial slavery, mining human energy to death; the Industrial Revolution adopted this logic, exhausting the bodies of white workers and children until they finally obtained a reduction of work hours and hard physical labor thanks to the exhaustion of racialized bodies in the colonies. Liberal and neoliberal countries still rest on mining to exhaustion the bodies of migrants and people of color.”
Aligning with decolonial perspectives, how could “repair” as decolonial strategy allow for brief moments of “joyful surviving,” as opposed to just bare, exhausted survival? How does decolonial practice as “repair” help develop collective tools for emancipation and resistance? How could “repair,” as a pragmatic intervention in one’s own life, enable escape from the dominant subjectivity of the neoliberal economy of exhaustion? How might people think together and enact “repair” in the wake of a pandemic which has been precipitated by that which is broken (social, ecological, and economic injustices)? And, in the face of what is irreparable, how can one understand “repair” as imperfect, unfinished, and always ongoing, in opposition to the routine of repairing all kinds of wounds and hiding their scars, which is, as Attia has shown, deeply tied to European modernity?
La Colonie nomade aims to go beyond a mere reporting on the conditions of the world and seeks to imagine and enact collective strategies and concrete gestures of “repair.” It also aims to inquire about the place and role of art in a politics of “repair” in the neoliberal-capitalist context of extraction and exploitation by (cultural) institutions, of savage inequalities, of intractable racism, sexism and xenophobia, and of global devastation of the lives of the racialized and the poor. Aware of the cultural institutions’ complicity in this situation, the conveners of La Colonienomade seek to offer a safe place where complicity is openly debated and resisted.
La Colonienomade is closely entwined with Fragments of Repair/Gatherings, an online series of lectures, conversations, and assembly forums, which is a part of its curriculum. Fragments of Repair/Gatherings also attends regularly to the artworks in Fragments of Repair/Kader Attia by means of (online) screenings and conversations, which are a departure point for the collective study that facilitate thinking about, reimagining, and practicing “repair” in and through art.
La Colonie, which had to close due to the health crisis, will develop this nomadic existence until it finds a permanent home.